ENSEMBLE Nr. 3 - November 2015 - page 18

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Dossier —– ENSEMBLE 2015/3
Par Nicolas Meyer
Alors âgé de 26 ans, Antonio était en train d’effec-
tuer son service militaire lorsqu’a débuté la crise
syrienne en 2011. Contraint de prolonger ses obli-
gations militaires de mois en mois, il est obligé de
porter les armes sur différents checkpoints en zone
de conflit à Harasta. Enfin libéré de ses obligations,
il apprend au bout de quelques semaines qu’il doit
réintégrer l’armée. Le pays commence à s’enliser
dans une guerre civile, les conflits qui ont débuté
à Harasta s’étendent à la plupart des territoires
environnants à domination sunnite. Ne voulant
pas prendre part à ce conflit, dont il garde déjà
d’amers souvenirs, il décide de quitter le pays.
Il rencontre tout d’abord un officier de l’armée
qui le conduit à la frontière entre la Syrie et le
Liban. Il traverse les montagnes à pied en compa-
gnie d’une poignée d’autres personnes. Après plus
d’un mois d’attente, il obtient son passeport sy-
rien, ce qui lui permet de rejoindre la Turquie par
avion. En cherchant à s’héberger, il trouve une
chambre dans un «hôtel» qui accueille plusieurs
autres migrants dans la même situation. Au cours
d’une nuit, il apprend que ses compagnons d’in-
fortune projettent de passer en Grèce. Il s’intègre
à l’expédition et se retrouve dans un convoi d’une
septantaine de personnes, sans savoir où il va.
De la mer aux montagnes
Après plusieurs heures dans un camion, le groupe
effectue une trentaine de kilomètres de marche à
travers une forêt pour arriver à un cours d’eau. Des
bateaux gonflables les attendent. Alors que la pre-
mière embarcation est mise à l’eau, la police
turque arrive. Antonio parvient à se cacher le long
de la rive, puis rejoint un bateau. Arrivé en Grèce
au petit matin, il s’adresse à la police qui lui oc-
troie un permis de résidence d’un mois. Il ressort
du poste en fin de journée seulement, sans avoir
mangé depuis trois jours. Il parvient ensuite à re-
joindre Athènes où il erre durant plus d’une se-
maine à la recherche de personnes qui puissent
l’aider. Il rencontre un Libanais qui lui vend un
passeport italien lui permettant de rejoindre Mi-
lan, Lugano, puis Bâle.
Fuir l’embrigadement
Agé de 15 ans au début de la crise syrienne,
Georges grandit dans un quartier alaouite de Da-
mas, favorable au régime de Bachar al-Assad. Son
entourage tente de l’embrigader dans des actions
punitives envers les populations réfractaires, fa-
vorisant pillages et vandalisme. Pour le protéger,
son père l’envoie au Nord en attendant que la
situation se calme. Sur place, ce sont des milices
kurdes qui essaient d’entraîner les jeunes dans la
guerre civile qui continue de faire rage. Georges
peut heureusement compter sur le soutien de son
frère Antonio, qui essaie d’organiser sa fuite en
Suisse. Son père réussit à le rapprocher de la Tur-
quie. Avec une poignée d’autres, il passe par des
chemins de montagne afin de contourner le poste
frontière, mais le petit groupe est vite repéré par
les soldats turques qui ouvrent le feu. Georges se
met alors à courir aussi vite qu’il le peut jusqu’à
ce qu’il soit en sécurité de l’autre côté de la fron-
tière. Certains de ses camarades, moins chanceux,
sont appréhendés par les soldats et roués de
coups. Arrivé en Turquie, il retrouve d’autres com-
patriotes qui l’aident à rejoindre Istanbul où un
passeport l’attend, préparé par les soins de son
Antonio et Georges (prénoms d’emprunt)
ont fui la Syrie afin de ne pas être instrumen-
talisés dans un conflit qui les dépasse.
Ces deux frères ont demandé l’asile et font
tout pour s’intégrer dans notre pays.
L’ODYSSÉE
DE DEUX FRÈRES
CRISE SYRIENNE
DIE ODYSSEE
VON ZWEI BRÜDERN
SYRIENKRISE
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