ENSEMBLE Nr. / N° 65 - Mai / Mai 2022

31 ENSEMBLE 2022 /65 —– Fokus Pour certains, l’existence de secours en mer attireraient les gens, les mettant ainsi en danger. Nous entendons régulièrement cet argument. Mais il existe différentes études de plusieurs universités qui montrent clairement qu’une traversée maritime dangereuse n’empêche pas les gens de fuir. Ce sont les situations dans lesquelles ces gens se trouvent qui les poussent sur la mer, qu’il y ait des navires de secours ou pas. Pouvez-vous donner un exemple? En Libye par exemple, les gens sont souvent retenus dans des camps d’internement. Les conditions de vie y sont catastrophiques: mauvaises installations sanitaires, espaces restreints, manque de nourriture. En plus, des gens sont torturés, abusés sexuellement ou doivent travailler sous la contrainte. Ceux qui le peuvent quittent le pays. Même si le voyage en Méditerranée peut conduire à la mort. Quel rôle joue l’Union européenne dans toute cette histoire? Ce n’est pas glorieux. Son agence de contrôle des frontières Frontex surveille par exemple la Méditerranée et signale les embarcations aux soi-disant garde-côtes libyens. Ces derniers ramènent les navires à terre et les gens sont de nouveau internés. De tels refoulements sont contraires au droit international. Et qu’en est-il dans les Etats membres de l’UE? Eux aussi violent encore et toujours les droits humains. Sur notre liste, il y a par exemple le cas d’un navire éperonné intentionnellement par des garde-côtes grecs, et qui a ensuite coulé. Jusqu’à présent, aucun membre de l’équipage grec n’a été condamné. Le cœur de la protection des réfugiés au niveau du droit international dispose que chaque être humain a le droit de demander protection auprès d’un Etat. Mais avec ce genre de pratiques, le droit des réfugiés est massivement violé. S’agit-il là d’une tendance récente ou d’une pratique qui a cours depuis longtemps? L’Europe renforce sa forteresse depuis quelques années. Si l’UE ne s’en tient plus à ses propres lois, ne s’oriente plus avec les valeurs chrétiennes et ne protège plus les plus faibles, on peut enterrer l’idée d’un Occident chrétien. Ce développement est alarmant. Que peut et devrait faire l’Eglise sur ce thème? Elle doit élever la voix et intervenir comme avocate des plus faibles. Du point de vue chrétien, tous les êtres humains sont égaux. Bientôt, nous votons sur l’augmentation de la contribution financière suisse à l’agence Frontex. L’Eglise devrait s’engager dans ce débat. Pour beaucoup, une Eglise qui s’engage politiquement reste un sujet sensible… Je pars du principe que de nombreuses personnes de la base de l’Eglise ne sont pas d’accord d’augmenter massivement les finances de Frontex alors que l’agence ne respecte pas les droits humains. Nous avons de plus au sein des Eglises une culture vivante de la discussion et des processus décisionnels réglementés. Si l’Eglise se positionne, c’est toujours avec une légitimité démocratique. Pour moi, c’est clair: en tant qu’Eglise, on doit rappeler aux Etats européens et au gouvernement suisse qu’ils doivent respecter les lois et être attentifs aux droits humains, sans exception. Participer à l’action Les paroisses sont invitées à participer à l’action «Les nommer par leur nom». A Lausanne, les personnes intéressées pourront par exemple écouter les noms des personnes disparues sur la route de l’exil. Un temps de recueillement interreligieux est aussi prévu à l’église SaintLaurent. Plus d’informations: www.beimnamennennen.ch  Lausanne L’Eglise doit faire entendre sa voix. Die Kirche soll die Stimme erheben. © Dominic Brügger

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