ENSEMBLE Nr. / N° 53 - November / Novembre 2020

22 Fokus —– ENSEMBLE 2020/53 ou se lisser les cheveux. Le complexe psycholo­ gique est énorme! Les mouvements antiracistes se concentrent sur les violences racistes, mais qu’en est-il des drames qui se déroulent par exemple en Méditerranée? En Occident, ces morts ne suscitent presque aucune indignation, hormis dans les pays du bas­ sin méditerranéen qui voient le drame en face. Mais il faut aussi qu’en Afrique on commence à se purger de ce désir exagéré d’Europe, qui est une sorte de fantasme. Il est possible aussi de se réali­ ser sur place. L’Ethiopie et le Ghana, par exemple, sont des pays qui progressent beaucoup au niveau économique et des infrastructures. Et l’Europe Le pasteur neuchâtelois Zachée Betche est aussi conférencier et essayiste. Il est l’auteur de «L’invention de l’homme noir». Cette année, ce Suisso-camerounais a publié «Geste migratoire» et nous partage ses réflexions sur le racisme et la migration. Par Nathalie Ogi La mort de Georges Floyd aux Etats-Unis a déclen- ché des réflexions et des manifestations en faveur de l’égalité raciale. Assistons-nous à un réveil des consciences? Je pense en effet que cet événement a été un déclic, surtout en Occident. Car cette situation de racisme perdure depuis les débuts de l’esclavage. Aux Etats-Unis, certains sont encore nostalgiques d’une époque révolue. Et les déclarations de Donald Trump n’arrangent rien. Au contraire, elles légitiment subrepticement cette exclusion et en­ veniment le climat social. Si la mort de Georges Floyd a été médiatisée, elle n’a pas pour autant mis fin aux violences raciales. Beaucoup de gens aux Etats-Unis ne sont pas toujours assez au cou­ rant de ces événements. Et de nombreux actes de racisme passent encore inaperçus. Comment se manifeste le racisme en Suisse? Je rencontre souvent des personnes qui en souffrent. Il en existe plusieurs formes; des cas criards aux plus subtils. Ainsi, personne n’aborde la question du racisme structurel. Une certaine sélection a lieu au sein de la société à l’égard de l’accès à l’emploi. C’est souvent ignoré. Cela se tra­ duit par des conditions de vie qui ne permettent pas de s’épanouir, ou par une certaine «ghettoisa­ tion». Par ailleurs, l’éducation y contribue égale­ ment. Ainsi, à l’école, l’histoire enseignée est ter­ riblement orientée et est celle des vainqueurs. Les Noirs eux-mêmes ont tendance à se percevoir comme des peuples subalternes. Ainsi, les pre­ miers Noirs engagés comme chauffeurs de bus à Neuchâtel ont créé la surprise au sein de leur com­ munauté comme s’il s’agissait d’un exploit. De nombreuses femmes noires, voire des hommes, dépensent des fortunes pour se blanchir la peau L E R A C I S M E E T L A M I G R A T I O N «On ne quitte pas son pays si facilement» Né en 1970 à Maroua au Cameroun, Zachée Betche se consacre d’abord à des études de phi­ losophie et de sciences humaines. Il étudiera par la suite la théologie puis poursuivra en pa­ rallèle l’enseignement et le ministère pastoral. Depuis 16 ans, il exerce son pastorat dans l’Eglise réformée évangélique du canton de Neuchâtel. Docteur en philosophie de l’Univer­ sité de Lausanne, il est l’auteur de cinq livres et essais. Il publie en 2012 «L’invention de l’homme noir. Une critique de la modernité», un ouvrage de référence sur la question noire. En 2016, il publie «Le phénomène Boko Haram. Au-delà du radicalisme». En 2020, paraît «Geste migratoire. Réflexions en temps de crise». «Il y a une perception exagérée des migrations.»

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