ENSEMBLE Nr. / N° 39 - Juni / juin 2019

13 ENSEMBLE 2019/39 —– Dossier humains. Et voici qu’apparaît cet interlocuteur virtuel qui sait beaucoup sur nous, qui nous réconforte et nous conseille. Un nombre grandis­ sant de personnes n’ont manifestement plus be­ soin de l’image traditionnelle que nous nous faisons de Dieu; cette nouvelle image ne devien­ dra pas totalement virtuelle du jour au lendemain, mais avec le temps elle prendra peut-être de plus en plus d’importance. Quelle influence la numérisation a-t-elle sur nous- mêmes et notre conception de la religion? Auparavant, nous trouvions des repères et une protection dans la prière et la confiance en Dieu, et selon cette conception de la religion. Au­ jourd’hui, nous les cherchons via des applications, que ce soit sur la santé, la météo, la littérature, les services de rencontre. L’Apple Watch par exemple nous avertit en cas de risque d’infarctus. Les indi­ vidus ont toujours plus soif de certitudes – l’indus­ trie informatique et ses algorithmes fournissent des informations de plus en plus omniscientes et, rap­ pelant en cela Dieu, proposent une orientation dans la vie. Nous en sommes tributaires – et en même temps la numérisation offre des possibilités in­ croyables. Les entreprises cherchent à créer la per­ fection, à proposer sécurité, éternité, omniprésence. Aux USA, une programmatrice, à partir d’une volu­ mineuse correspondance par courriel avec un ami décédé accidentellement, a développé un pro­ gramme lui permettant de poursuivre ses échanges avec lui. Et comme son programme continue d’ap­ prendre sur la base de la correspondance actuelle, le «défunt» peut aborder des événements dont il n’avait pas connaissance de son vivant. Ce pro­ gramme a beaucoup de succès aux USA. Ces histoires sont-elles de bons exemples pour convaincre les personnes engagées dans l’Eglise – et éventuellement sceptiques – de l’intérêt du numérique? Selon moi, ces histoires doivent nous sensibi­ liser. Le monde numérique nous apprend beau­ coup sur la condition humaine, nous montre des besoins fondamentaux et des questions qui ani­ ment les humains: aspirations, quête de sens, be­ soins relationnels, échanges, reconnaissance. Il serait imprévoyant de l’ignorer en le banalisant. Cela signifierait que l’Eglise ne prend pas les gens au sérieux. Elle doit au contraire observer atten­ tivement ce qui se passe sur le web. Sans connaissances préalables ni expérience du web, cela ne fonctionnera pas ... ... en effet: il faut beaucoup apprendre. Notre programme de recherche propose aussi des for­ mations continues à l’intention de personnes tra­ vaillant à plein temps ou à temps partiel dans les Eglises. Ces formations portent sur des aspects techniques, des questions juridiques et des aspects comme la sphère privée, le temps investi et les limites de la communication numérique, sur nos conceptions personnelles, ou encore sur la ques­ tion de savoir comment nous nous représentons l’Eglise dans le monde numérique et comment nous communiquons. Quand nous n’avons que quelques signes à disposition comme sur Twitter, nous devons exprimer clairement notre avis. C’est à la fois un défi et une opportunité pour formuler notre théologie de manière concise et marquante. Comment entendez-vous préparer les personnes engagées dans l’Eglise à une communication mar- quante sur et avec internet? Par la recherche et des offres en faveur d’une utilisation numérique et théologique compétente des médias. La première étape pour ces personnes consiste à trouver des réponses à la question: com­ ment pouvons-nous percevoir ce qui se passe sur la toile? Dans un second temps, il faut déterminer ce que les individus racontent, ce qui les amène à adopter leur point de vue, comment les jeunes par exemple réfléchissent dans leur propre langage à des questions christologiques. Beaucoup de ce qui se déroule sur internet obéit à une logique théolo­ gique propre. Dans une troisième étape, les per­ sonnes œuvrant dans l’Eglise doivent se demander si et quand il peut s’avérer utile de s’engager dans des forums sur le web et y créer éventuellement une propre plateforme. A Berlin, une jeune pasteure gère en tant qu’influenceuse en matière de religion un canal personnel où elle relate le quotidien de son ministère. Sur internet, l’Eglise devrait être re­ connaissable en restant authentique et présente dans les modes de communication modernes. En même temps, il importe de réfléchir à la façon dont les médias numériques peuvent mener à nouveau vers des rencontres réelles, personnelles. ©Olivia Item Thomas Schlag

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